Comme à chaque mois de janvier, c’est souvent le moment des arrivées nouvelles ou pas sur le territoire. Il y a ceux qui le découvrent et sont contents ou déchantent de ce territoire français atypique ou plutôt découvrent une des réalités qui composent les territoires ultramarins.
C’est toujours un moment pour moi de ressentir des sentiments partagés…oui I have mixed feelings too, I do ! Je ne sais pas si je fais le bon choix de revenir alors que j’ai construit et appris énormément depuis juillet 2018, mais en même temps, revenir en Europe et au-delà pour retrouver toutes ces choses qui manque à notre territoire pour me dire, je suis chez moi et je ne me vois pas quitter ma maison, l’endroit où j’ai mes racines, où j’ai reçu l’amour et les valeurs qui me caractérisent.
C’est inconfortable, mais je crois que j’apprends à vivre avec depuis que j’ai quitté Mayotte en 2004 et je suis sûre que je ne suis pas la seule. On se sent déchiré de l’intérieur et le reste du monde a du mal à comprendre cette identité multiple qui nous permet de voir et incarner l’universalité.
Je sais que je ne suis pas la seule et c’est pourquoi j’ai été inspirée à écrire cet article, pas pour vous donner des tips d’influenceuse, mais vraiment pour ne plus me sentir seule dans ces questionnements et ce perpétuel recommencement. Et aussi parce que j’ai finalement décidé de le publier un dimanche en pyjama 🙂
Du coup, je me pose des questions depuis maintenant 3 ans et demi que je suis de retour. Est-ce que contribuer pour le territoire doit forcément se faire en rentrant chez soi ? Est-ce que rester ici doit se faire au détriment de notre santé mentale ? Est-ce qu’il faut essayer de trouver un équilibre en créant sa communauté sur place ? Est-ce qu’il faut oublier toutes les expériences que l’on a vécu en dehors de Mayotte pour se faire accepter par la tradition ? Est-ce qu’il faut oublier que l’on a de l’énergie à donner parce que ça fait trop mal aux autres ? Est-ce qu’il ne faut pas avoir peur d’exprimer ce que l’on est, s’imposer, s’assumer, malgré le rejet qui risque d’en découler ?
Ce sont des questions que je me pose et j’espère sincèrement que je ne suis pas la seule. Une chose au fond de moi me dit que non, mais qu’il faut avoir le courage de le reconnaître et de le dire. Oui, ça voudra dire qu’il faudra tuer l’idéal de notre île et reconnaître que peut-être sur certains aspects, aujourd’hui elle ne contribue pas encore complètement au bien-être des enfants de leur territoire. Et il faut que ça change !
Pas plus tard qu’hier, j’échangeais avec une de mes abonnés qui se posait ces questions aussi et qui envisageait sérieusement de partir, car il devient de plus en plus difficile de se sentir bien pour de nombreuses raisons que je n’aborderais pas forcément ici. On sentait dans ces mots que c’est un choix qui n’est vraiment pas simple, car finalement, ici, c’est chez elle. Pourquoi voudrait-on partir de chez soi ? un lieu qui est censé être réconfortant pour nous.
Cet échange en tout cas m’a fait comprendre une chose, c’est que la nouvelle génération a peut-être dépassé, je pense les débats identitaires et souhaite autre chose. Je ne sais pas encore exactement ce que c’est, il est en cours de construction, car nous avons tellement d’aspirations et souhaits dans la façon de vivre notre » mahorité » voire notre « insularité ». Je n’ai pas de remède miracle, mais on dit que chaque génération a l’occasion de s’approprier son destin et peut le changer ? (ou un truc comme ça ^^) Ce n’est pas vraiment le principe du destin, mais je crois que nous devons revoir la définition et construire ce qui est possible.
En revanche, ce dont je suis convaincue, c’est que ça passera par un travail intérieur et individuel qui ira ensuite vers un collectif. Ce que je veux dire c’est qu’il revient à chacun et chacune d’oser explorer ces contradictions et voir ce qu’il en sort et de prendre ces responsabilités en vivant sa vérité et choisir son équilibre. C’est-à-dire soigner toutes les blessures liés à l’enfance, les agressions, les incompréhensions, le sentiment de rejet etc.
Enfin, j’imagine qu’ainsi, la communauté commencera à s’assainir et jouer son rôle d’amour sain, de miroir, de conseil, de confiance, de sagesse et d’ancrage pour un individu. J’imagine que cela permettra de ne plus culpabiliser de partir et revenir parce qu’être mahorais.se et ultramarin.e c’est aussi ça, ce besoin d’être ancré en toute liberté.
J’imagine aussi que cela permettra de faire des meilleurs choix pour sa communauté. J’entends par là qu’il deviendra innacceptable de continuer à voter pour certains candidats ou peut-être que certains et certaines voudront proposer un projet de cité différent et se lancer dans cette belle bataille pour le collectif.
J’imagine que cela permettra à chacun et chacune de se sentir en paix et d’assumer son passé, le connaître et choisir une voie plus équilibrée.
J’imagine aussi que c’est ainsi que Mayotte et les territoires ultramarins contribueront à la construction positive de l’Humanité et non à sa destruction.
Enfin, ce sont des réflexions que je partage avec vous, pour cette nouvelle année et ce mois de janvier.
Je n’ai pas d’objectifs, pas de nouvelles résolutions, juste une envie de me laisser inspirée par ce que je vois et ce que je vis dans cette expérience humaine.
Encore une belle et heureuse année à vous et je vous partage un petit morceau de Kunta Kinte Dub – The Revolutionaries pour finir ce beau mois de janvier et dimanche !